Dessin Dominique MARTINETAffiche Christian DO HUU

A la relecture des Lettres Persanes de Montesquieu, j'ai été surprise de passer aussi facilement du sourire à l'émotion, de la rêverie à l'agacement, de la réflexion critique, de la jouissance de l'intellect au rire le plus spontané.


De cette conversation entre les personnages qui se poursuit de lettre en lettre, j'en suis arrivée à l'idée de salon, là où l'on voit naître l'Art de la Conversation au 17ème siècle, plaisir subtil d'intelligences qui se provoquent et se stimulent.

Ces salons, comme les cafés plus tard, étaient le lieu du débat d'idées et les premiers espaces de réflexion et d'expression d'un contre pouvoir.


C'était aussi le lieu du paraître par excellence. Et l'ironie de RICA ou la révolte de ROXANE ne nous renvoient-ils pas au néant et à la question éternelle : "Comment peut-on être……?"

Aussi il me semble essentiel, aujourd'hui, où l'hypercommunication tue toute communication et où les distances, le temps sont abolis, dans nos banlieues et sur Internet, de mettre en scène ces philosophes des Lumières qui, sous des dehors frivoles, débattent d'idées graves, prennent le temps de s'écouter les uns les autres et écoutent le monde avant de se faire une opinion, pratiquent l'ironie et le doute pour échapper à l'obscurantisme, au triomphalisme, à l'intolérance et à la barbarie.


Certains propos de MONTESQUIEU, vivant pendant la régence, au début des "Lumières", résonnent en nous et nous concernent profondément. D'autres nous agacent, nous choquent ou nous paraissent d'un optimisme d'une naïveté déconcertants. C'est ce va et vient entre coïncidence et distance absolue qui peut devenir dialectique.


Mais, me direz-vous, où est le théâtre dans tout cela ? Je répondrai partout. Ces gens de salon étaient passionnés de Théâtre. Au souper, ils prenaient plaisir à faire l'acteur. Ils se donnaient, pour oublier «le malheur d'être né» et l'ennui qui colle à la peau, des divertissements dont ils jouaient tous les rôles, cela de manière très ludique mais aussi avec le plus grand sérieux. Dans la pièce, ils vont interpréter : "Les aventures de Rica et d'Usbek ou le Roman du Sérail."


Comme eux, je pense que le théâtre doit être divertissement mais aussi outil de pensée et ainsi de liberté. Et cela n'exclut pas le plaisir !


Le fait de rejouer le jeu du baroque n'est en aucun cas un souci de reconstitution historique ou un souci esthétique. Mais un moyen d'approcher de l'idée de tolérance, chère au 18e siècle, ce droit à la différence et ce devoir de ressemblance que le personnage de Rica illustre bien. C'est aussi un moyen de retrouver le secret du mélange des genres dans chacune des techniques qui fait que le théâtre existe. Nous l'avons perdu dans l'art en général et dans notre vie, certains le redoutent. La crainte absurde de perdre leur identité en est, sans doute, la cause. Mais cet apport de cultures et de techniques différentes ne peut que nous donner du plaisir, nous ouvrir à des mondes nouveaux, et ne peut que participer à l'enrichissement culturel de notre société.


Puissent LES LETTRES PERSANES nous redonner et la force insolente de la pratique du doute qui ne peut que nous ouvrir à la tolérance, et le plaisir de l'art de la conversation.



Sylvie OLLIVIER - Déc. 95


COMMENT PEUT-ON ÊTRE PERSAN ?

de Sylvie OLLIVIER

d’après LES LETTRES PERSANES

de MONTESQUIEU

Adaptation

mMse en scène

Sylvie OLLIVIER

Musique originale

Benoit URBAIN

Assistant à la mise en scène

Lumières

Philippe LARUE

Son

Olivier DO HUU

Costumes

Valérie LE HELLO

Régie générale

Béatrice ROUSSEAU

avec

par ordre alphabétique

Mireille ABADIE

Philippe BERTIN

Evelyne BORK

Albert DELPY

Tiziana DI MONTE

Jorge PARENTE

Claude-Bernard PEROT

Ludovic SCHOENDOERFFER

Albert DELPY

L’Eunuque gardien du Harem

Comment Peut-on Être Persan ?

est une coproduction ELIA Compagnie - Théâtre95

Ce spectacle a été joué au THEATRE95 à Cergy,

à l’ESPACE MICHEL SIMON à Noisy-le-Grand,

au THEATRE RUTEBOEUF à Clichy-La Garenne,

au THEATRE LE VANVES à Vanves

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et des photosPersan_2.html

Un spectacle